textes: Lara ORSAL
photos: Rod MAURICE
article original sur: ARTE Concert

 

Live-Stories ARTE Concert

ROUTE DU ROCK 2016 : Jour #01, la nuit des étoiles

par Lara Orsal

Route du Rock édition été 2016, vendredi 12 juillet : il fait grand soleil quand on débarque à Saint-Malo, et ça promet de durer. Mais, traumatisés par les années pluvieuses, sans doute, certains festivaliers manquent à l’appel : il est encore temps, bande de petits malins, de faire les malouins : il reste des billets ! Allez, zou ! Récit de notre 1ère journée, où votre équipe dévouée, avouons-le, s’est bien marrée !

Armés du photographe-culte Rod Maurice, et de tout son matériel, la team ARTE Concert débarque au fort de Saint-Père, heureuse comme un festivalier sans boue, et prête à capter tous les live de cette première journée. Du côté de la production, toutes les caméras sont préparées, n’attendent plus que les épaules des cadreurs, et le public qui arrivera bientôt. Avant que ne débute le premier concert de la journée, assuré par Psychic Ills, Rod et moi proposons au groupe de faire un petit jeu : nous confier le rêve qu’ils avaient enfants, puis choisir une question parmi d’autres, et y répondre. C’est parti pour la nage sous-marine au milieu des poissons :

© Rod Maurice

Psychic Ills © Rod Maurice

Puis pour la pêche aux questions : « La chanson qu’on a très envie de jouer ce soir s’appelle « Coca Cola Blues » : on ne l’a jamais jouée live jusqu’à maintenant, alors, ce soir, c’est une première. On l’a répétée quelques fois, mais pas beaucoup. Elle est particulière parce qu’on la joue acoustique, et au final, on n’a pas tant de morceaux acoustiques que ça dans nos setlists. On espère que le public réagira bien, on ne peut jamais savoir à l’avance comment ça se passera, c’est un peu comme un risque à prendre, un test grandeur nature. On laisse la chanson vivre sa vie. » (Psychic Ills) Et on les laisse monter vivre la leur sur scène, baptisant les remparts d’ondes psyché qui hésitent entre côte Ouest et côte Est, tandis que les spectateurs arrivent par vagues.

Rendez-vous étant pris avec Minor Victories, Rod et moi filons leur proposer nos petits jeux. On passe un moment à ne faire que rire avec ce super-groupe, qui a eu de super rêves.

© Rod Maurice

Minor Victories © Rod Maurice

Rachel Goswell (Slowdive) a toujours eu celui d’être chanteuse, mais elle en fait parfois aussi des cauchemars : « Le pire, ce serait d’être sur scène mais de complètement oublier les paroles que je suis sensée chanter, genre vraiment toutes les paroles, et de rester plantée là, à entendre la musique qu’on joue et que je connais par coeur, mais que rien ne revienne, et alors je n’aurais aucune idée de ce que je ferais là, je ne saurais plus ce que je dois faire. En réalité, je fais ce cauchemar hyper souvent. Dans ma carrière, ça m’est déjà arrivé de manière très très occasionnelle, dirons-nous, haha, d’oublier quelques mots, à peine une ligne ou deux, dans les paroles. Parfois je mets quelques notes au sol si la chanson est nouvelle ou que je ne l’ai pas chantée depuis longtemps, ou que j’ai simplement peur d’oublier. Je dois avouer que je suis très parano à l’idée d’oublier des choses, en général, pas que les paroles. »

Enfant, Stuart Braithwaite (Mogwai) rêvait de devenir astronaute (ça explique peut-être certaines choses). Et pour ce qui est de nos jours, « Si je pouvais inventer et fabriquer mon propre instrument, je ferais quelque chose qui serait un peu comme une harpe, mais que je pourrais contrôler avec mon esprit, de sorte que je n’aurais pas besoin de capacités motrices pour jouer les notes » nous confie-t-il. Ce à quoi nous rétorquons que c’est un instrument de pure paresse : « Mais non, que nenni : de pure inspiration ! Ça produirait de la musique instantanément, tu penserais à une note et ça la jouerait, hop. Ça sonnerait de manière merveilleuse. » « Ah oui, je vois », rit Rachel, « ce serait un peu ton orgasmatron personnel !» Quant à Justin Lockey (Editors), il choisit une question plus réaliste : « Je vais te parler de la chanson que j’ai le plus hâte de jouer ce soir, c’est la dernière de notre setlist, elle s’appelle  »Out to Sea » : elle est très noisy, elle est vraiment bonne cette chanson. Ce n’est pas parce que c’est la dernière de la setlist que je la préfère : on l’aurait plutôt placée en dernier parce qu’on préfère garder le meilleur pour la fin. J’aime les autres aussi, hein, mais c’est vrai que celle-ci, égoïstement, c’est celle que je préfère jouer. » On ne saurait vous dire laquelle du concert on a préféré, en tout cas : Minor Victories a déroulé un set parfait, où les structures ultra-pop rencontraient les distorsions les plus noisy…

C’est Stuart Murdoch de Belle & Sebastian qu’on retrouve ensuite en loges, et il met un soin singulier à dessiner sur notre ardoise : le garçon est définitivement passionné par son pays, et ça ne date pas d’hier :

© Rod Maurice

Stuart Murdoch, Belle & Sebastian © Rod Maurice

La question qu’il choisit ne change pas de sujet, son préféré, à en croire sa ferveur : « Si je pouvais choisir un nouvel hymne national pour l’Ecosse, qui est un pays rebelle, immature, je choisirais la chanson  »Blue Boy » du groupe Orange Juice : c’est du post-punk. J’adore ce groupe, je pense que cette chanson est édifiante, elle a une énergie qui t’élève, et comme elle n’a rien à voir du tout avec un hymne national, franchement, ce serait très inattendu, et j’aime beaucoup l’idée. Je pense que ce serait très drôle, un peu comme une blague qui s’use vite, ceci-dit. Néanmoins, ce serait différent, c’est juste une chanson d’amour punky par un groupe que j’adore, qui était très radical à l’époque, tu sais, ils étaient efféminés, ils délivraient vraiment une super énergie. C’est probablement le seul groupe punk que l’Ecosse ait eu ! Mais il vaudrait mieux que les gens ne sachent pas que je l’aurais choisie comme hymne national, parce que je pense qu’à chaque fois qu’on jouerait cette chanson, je serais obligé de me cacher, sous peine de me faire expulser du pays! » On a du mal à l’arrêter sur le sujet, mais on tente un Scotxit rapport à l’heure de son concert, hurry up. Le groupe est assuré mais déchaîné sur scène, ça doit être lié à toutes ces histoires de rébellion punk évoquées un peu plus tôt…

 

© Rod Maurice

Kevin Morby © Rod Maurice

Kevin Morby a pris le lendemain pour la veille, l’avion avec 24 heures de retard, et le jeu, comme vous le verrez, très au sérieux. Visez un peu ce que le jet-lag peut faire comme dégâts : « Je vais répondre à la question « Quel serait ton pire cauchemar sur scène ? » : et je pense que ce serait de vomir ! Imagine, tu t’apprêtes à chanter, et au lieu de ça, tu vomis en plein sur le micro. Une fois, j’étais un peu mal, j’avais la nausée, j’avais trop peur de vomir, je suis monté sur scène, j’ai foncé vers le micro, et je me suis dit que si je ne le regardais plus jamais du concert, tout se passerait bien. Juste il ne fallait pas, jamais, regarder le micro, pour ne pas y penser. J’ai un pote guitariste à qui c’est arrivé, je pense que ça m’a un peu marqué… Ce serait quand même super embarrassant. Heureusement, jusqu’à maintenant, rien de ce genre, ni rien d’affreux, ne m’est jamais arrivé sur scène : je touche du bois ! » La preuve en replay, où vous découvrirez le côté délicat d’un des songwriters de folk américaine les plus prometteurs du moment, qui rêvait d’une carrière de joueur de base-ball, enfant. La musique, elle, est toujours là.

On cueille Haelos en sortie de scène, le trio a encore beaucoup d’énergie à revendre, et décide de nous confier ses rêves en dessins. C’est évidemment intraduisible, mais il s’agit de symboliser la fusion du groupe, la capacité à voler, et de se ré-incarner en Daffy Duck.

Haelos © Rod Maurice

Haelos © Rod Maurice

Quant au jeu des questions, il nous permet de constater que Lotti Benardout a des angoisses de chanteuse, forcément : « Je pense que mon pire cauchemar, ce serait d’ouvrir la bouche mais qu’aucun son n’en sorte. Mais alors, vraiment rien ! Tu essayes de chanter, mais pas moyen de faire une note, rien, tu cries du vide. Ce serait vraiment vraiment affreux. » Dom Goldsmith quant à lui, a des rêves de messie : « Si un magicien pouvait me laisser choisir un hymne national, je ne voudrais pas d’un hymne pour un seul pays, je veux dire, si c’est un vrai magicien, il doit me laisser choisir un hymne mondial ! Une seule chanson pour le monde entier ! Une seule chanson pour tout le monde ! Oui, comme ce que tu chantes, haha, t’as raison, ce serait du Bob Marley !!! » Arthur Delaney nous laisse imaginer le pire ou le meilleur, pas de spoiler possible : « Si je pouvais faire un ‘replay’ d’un moment de ma vie, ce serait cette fameuse après-midi à la campagne, Oxfordshire, et c’est tout ce que je te dirai !!! ». Du trip-hop, des tricks et des cartoons. De parfaits Anglais !

On aurait bien aimé pouvoir aussi jouer avec Pantha Du Prince, Gold Panda et Rival Consoles, mais on ne réalise pas toujours tous ses rêves du moment, alors on se contente déjà bien volontiers de les écouter jouer pour nous. Pendant que Rod les photographie sous tous leurs angles, et qu’on étudie d’autres points de vue, ils nous mènent sous les étoiles, qui d’une house minimale mais moite, qui de ses impressions du pays du Soleil Levant, qui de derniers à coups d’électro sombre et puissante, vers la fin de la nuit… et vers les navettes ramenant les derniers festivaliers vers leurs rêves enchantés. À demain !