JEF BARBARA : Premier album "Contamination"

JEF BARBARA : Premier album "Contamination"

Des mélodies précieuses mais jamais ridicules, un amour immodéré des costumes qui brillent et un talent certain pour la Révolution, Jef Barbara est le nouveau Roi Soleil de la pop électronique.

Originaire de Montréal, l’homme au nom féminin a longtemps trainé ses paillettes dans les club souterrains, à la fois « partout et nulle part », tel un papillon de nuit attendant sa métamorphose. L’acte 1, ce sera la publication d’un premier EP en 2009 avec son premier groupe, Jef and the Holograms, suivi d’un EP concept intitulé « Barbara Blanca » où l’androgyne collabore avec le légendaire R. Stevie Moore, répétant une dernière fois la chorégraphie Flashdance de ses clips réalisés avec trois bouts de tissu. On vous conseillera au passage de visionner la vidéo de « Sébastien » – une histoire de mœurs trilatérales – où l’artiste parvient sans efforts à s’insérer entre Mylène Farmer et Superman dans la mythologie des super héros capables de troquer les complets gris du quotidien contre d’étonnants costumes moulants. Sans contrefaçon, Jef est vraiment un drôle de garçon. Et si le Jean Génie de David Bowie avait pu prendre la plume pour décrire les élans de ce jeune canadien signé chez Tricatel, nul doute qu’il aurait fait sienne la maxime du Cardinal de Retz, ancien prophète de ce que devrait être la sainte pop quatre siècle plus tard : « on ne sort de l’ambigüité qu’à ses dépens ». Jef Barbara a bien retenu la leçon.
Acte 2, la contamination. De ce premier album warholien où s’empilent sans vraie logique tristes chansons composées dans une chambre de bonne (Homme universel) et manifestes à rapprocher de Roxy Music (Flight 777), Jef Barbara dit « qu’il possède une esthétique bonbons assortis », car les meilleurs disques sont souvent ceux qui offrent la diversité. Le patchwork sonore, meilleur remède aux lassitudes. « Les prétentions capitalistes de la corpo-pop music des années 80 m’obnubilent » rajoute Jef, avant d’avouer avoir été hautement influencé par l’album « Faith » de George Michael, « un album pop aux accents top 40, comme si chaque titre avait pour but d’être un single radio ». Pas facile de savoir si le canadien a choisi son nom en hommage à la chanteuse de L’aigle noir, toujours est-il que sa « contamination » contient plusieurs virus parfaits pour décorer nos années post-SIDA.
Acte 3, l’entrée sur scène. Chez Jef Barbara, le chroniqueur moderne notera tout d’abord le rimmel qui soigneusement cercle le regard tigre, puis il décortiquera un à un tous les bijoux qui composent ce premier album aux allures de trousse à maquillage. D’un coté, les larmes de crocodile et leur synth-pop waterproof, de l’autre Caresses interdites et son vernis à ongles glam, au centre les homosexuels décomplexés par un entêtant refrain. Mais si ses manies crypto-gay font de Jef Barbara un queer abimé type Freddy mercurochrome, ne pas chercher chez ce garçon un énième étendard de la (tur)lutte : « Je ne cherche pas à devenir porte-parole ou activiste des droits gais. Si je suis précieux et maniéré, c’est que je trouve ça cool ». Pour celui qui désire autant être un poète éloquent qu’une pop star, la création est donc une solitude qui se partage à plusieurs, et cet hymne à la sueur qu’est Wild Boys de resserrer les liens entre nightclubbing et groove nocturne. Les melodies de poche de Barbara, si proches mais inacessibles, comme un art qui confère autant au divin qu’au tabou. Une sorte de plaisir transgenre. Et Lou Reed de vicieusement rajouter, « hey babe, take a walk on the wild side », pour habiller ce petit bijou pop taillé dans les chutes d’un défilé Dior.

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Posté le

16 février 2012