NOUVEL ALBUM DE JAY-JAY JOHANSON : « COCKROACH » le 23 septembre chez Universal Music Classics & Jazz
Il pleut des cordes, la brume se dissipe, les ombres ont disparu et, cette fois, l’amour a plié bagage, pour de bon. Mettant son âme à nu comme jamais auparavant, Jay-Jay Johanson redéfinit l’art du blues urbain. Sur « Cockroach », son neuvième album, le chanteur/songwriter s’abandonne tantôt à la mélancolie, tantôt à une agréable paranoïa avant de se laisser envahir par une confusion au goût amer ou par la douleur lancinante de souvenirs entachés.
« Cockroach » déborde de rythmes fiévreux, de batteries puissantes et de percussions singulières, occupant ainsi une place à part dans l’œuvre de Jay-Jay. Ces caractéristiques tendent à le rapprocher de « Dilemma », ce morceau jazzy aux inflexions vaudous qui constituait l’un des sommets de son précédent album « Spellbound » (2011) : « Le fait de travailler sur les arrangements de « Dilemma » a représenté un tournant », explique Jay-Jay. « Au cours des précédentes années, j’avais construit tant de mes compositions à partir d’idées épurées et minimalistes que le fait de réintroduire toutes ces percussions et ces batteries dans le studio m’a donné envie de m’atteler immédiatement au prochain album en laissant une intensité plus forte le traverser ». Et voilà le résultat.
Jay-Jay n’est pas vraiment un nouveau venu et il peut se targuer d’avoir mené une carrière d’une grande richesse, ponctuée par d’indéniables succès. L’enivrant « Whiskey » (1996), qui signa son arrivée fracassante sur le devant de la scène musicale, précéda de peu « Tattoo » (1998) puis « Poison » (2000) devenu depuis lors un classique. Jay-Jay y présentait un univers personnel complexe sur fond de rythmes lents et élastiques qu’agrémentaient des tonalités tirées du cool jazz et des arrangements trip hop. Après avoir composé sa première bande-originale pour le film « La Confusion des Genres » (2001), et créé l’installation « Cosmodrome », il sortit « Antenna » (2002), un album d’électro minimaliste, puis le sensuel et dansant « Rush » (2005). En 2006, Jay-Jay collabora avec le duo suédois The Knife pour le single « Marble House » qui figura sur leur album « Silent Shout ». La même année, il fit appel aux deux musiciens ayant joué un rôle clé dans l’enregistrement de ses trois premiers albums, le batteur et multi-instrumentaliste Magnus Frykberg et le sorcier du piano Erik Jansson. Ainsi accompagné, il commença à travailler sur « The Long Term Physical Effects Are Not Yet Known » (2007). Cet album fut considéré par beaucoup comme son meilleur, notamment grâce aux singles « She Doesn’t Live Here Anymore » et « Rocks in Pockets ». En 2009, Johanson sortit « Self-Portrait » ainsi que sa seconde bande originale de film pour « La Troisième Partie du Monde ». Il y a deux ans, il opéra son évolution musicale la plus impressionnante et la plus riche depuis « Poison » avec l’album « Spellbound ». Johanson s’y présentait alors comme singer-songwriter, adoptant des sonorités épurées et un certain détachement. Tout en refusant la moindre ornementation, il parvenait, comme à son habitude, à créer des compositions qui se caractérisaient par leur richesse, leur grâce, leur élégance et leur capacité à faire naître l’émotion.
L’année dernière, Jay-Jay se plongea dans la composition et l’enregistrement des démos de son nouvel album, « Cockroach », ce qui ne l’empêcha pas de collaborer avec C2C sur le titre « Give up the Ghost » qui figura sur l’album « Tetra » dont le succès fut mondial. Sur « Cockroach », qui aurait pu le prévoir, Jay-Jay multiplie le recours aux instruments, aux batteries, aux rythmiques et les synthés eux-mêmes font leur retour, utilisés de manière expérimentale au sein d’une atmosphère vintage. Une fois de plus, « le dandy » nous offre des compositions merveilleusement ouvragées, mises en valeur tantôt par le délicat accompagnement d’une guitare acoustique, tantôt par des arrangements de cordes qui subjuguent par leur beauté. Comme toujours, ces musiques à la fois généreuses et sophistiquées viennent habiter les histoires que Johanson nous conte d’une voix chaude et pétrie d’émotions.
« Coincidence », le titre qui ouvre « Cockroach », est un véritable trésor rythmique où la voix ensorcelante de Jay-Jay vient se poser sur les pulsations du tempo. De magnifiques arrangements de cordes subliment « I Miss You Most of All », probablement la plus belle chanson de l’artiste à ce jour, où les éléments rythmiques imbriqués les uns dans les autres sont placés au premier plan, comme ils l’étaient sur les trois premiers albums, « Whiskey », « Tattoo » et « Poison ». Jay-Jay se montre détendu et plein d’élégance sur plusieurs chansons, dont certaines, « Hawkeye » et « The Beginning of the End of Us » notamment, affichent des accents jazz. Un piano placé juste au bon endroit, des flûtes hypnotiques et un vibraphone aux sonorités apaisantes viennent enrichir la musique, et la manière unique selon laquelle l’orgue et les cordes se mêlent à la voix feutrée de Jay-Jay sur le mystérieux « Mr Fredrikson » permet de mieux comprendre comment cet artiste est devenu si populaire sur la scène alternative. Ces chansons à la fois tristes et magnifiques que sont « Orient Express » et « Antidote » sonnent comme des classiques intemporels. Quant au morceau instrumental, « Insomnia », il contribue pleinement à la création de l’atmosphère magique et effrayante qui caractérise « Cockroach ».
Dix-sept ans après son formidable premier album, « Whiskey », Jay-Jay Johanson parvient toujours à nous passionner en chantant de sa voix mélancolique des mélodies magnifiques que viennent nourrir des parties de cordes et des structures rythmiques surprenantes. Onze morceaux où l’on retrouve cet art de l’étrange et du mélodrame qui ont permis à Jay-Jay de bâtir son répertoire. Un album subtilement construit, de la première à la dernière chanson. A la fois stimulant et imprévisible, cinématographique et dramatique, « Cockroach » représente une étape majeure au sein de la carrière de Jay-Jay Johanson.