BETH JEANS HOUGHTON & THE HOOVES OF DESTINY – "Yours Truly, Cellophane Noise"

BETH JEANS HOUGHTON & THE HOOVES OF DESTINY – "Yours Truly, Cellophane Noise"

Dans le passé, si vous aviez demandé à BETH JEANS HOUGHTON de parler d’elle, elle vous aurait raconté qu’elle était née pendant une éclipse de soleil ou que son groupe, THE HOOVES OF DESTINY, et elle avaient été élevés par des loups albinos de Transylvanie. À présent, à la veille de son premier album, « Yours Truly, Cellophane Nose », elle reprend son sérieux.

Beth était sujette aux idées farfelues dans le passé (et aime toujours les plaisanteries saugrenuesentre deux chansons sur scène), mais ce n’est qu’une petite facette de sa personnalité, comme nous allons le constater. « Je suis complètement réaliste. Je n’aime pas les licornes. »

En vérité, cette artiste de 21 ans est une dure à cuire. Son mantra ? Ne jamais faire de compromis. « Ma grand-mère m’a toujours dit, tu ne peux pas plaire à tout le monde, alors fais-toi plaisir, et c’est ce que je fais, » dit-elle.

BETH JEANS HOUGHTON est née à Newcastle en 1990. Elle aurait préféré voir le jour en 1956, jouer du glam rock vers l’âge de 20 ans, tirer sa révérence dans les eighties pour élever des enfants, adopter un profil bas pendant les années 90 et revenir à la musique la décennie suivante, mais là n’est pas la question.

Souffrant de naissance de synesthésie, elle voit les lettres, les chiffres, les mots et même les jours de la semaine comme une série de couleurs. Ce phénomène rare a d’autres effets : « Il y a un pont près de chez moi et si je regarde son bitume rouge par un samedi ensoleillé, j’ai dans la bouche le goût des chips de la marque générique de Safeway, » explique-t-elle. La synesthésie a aussi des avantages – elle peut voir ses chansons sous forme de motifs et de couleurs – mais elle rend la lecture difficile, ce qui l’a poussée à inventer son propre alphabet à l’âge de huit ans.

Sa première rencontre avec la musique s’est produite par le biais de la collection de vinyles de sa mère graphiste. « La première fois que j’ai vu un album, j’étais fascinée parce qu’on aurait dit un énorme CD noir, raconte-t-elle. Je ne comprends toujours pas comment ils marchent. C’est dingue. » Dès l’école primaire, elle écoutait BOB DYLAN, PAUL SIMON et FRANK ZAPPA. Solitaire et heureuse de l’être, Beth a passé le plus clair de son enfance à écouter des disques et créer des choses, sans pourtant écrire des chansons. « Je n’ai jamais pensé devenir musicienne. J’aime manger, mais je ne vais pas être chef pour autant. J’ai été plutôt surprise que ça m’arrive. »

Beth ne s’est pas épanouie à l’école. « Je déteste l’autorité, » affirme-t-elle. Elle a commencé à sécher les cours à 14 ans et tout arrêté l’année suivante, ne revenant que pour passer son brevet. À la même époque, elle s’est risquée à s’acheter une Fender Stratocaster avec l’argent gagné en travaillant chez un coiffeur, alors qu’elle était incapable d’en jouer une note.

Elle a donné son premier concert en décembre 2006, au Head Of Steam, un pub de Newcastle. « J’ai joué 15 chansons en douze minutes, en les débitant comme un 33 tours passé à la vitesse d’un single, » se souvient-elle. Cette incarnation solo et folk de BETH JEANS HOUGHTON ne cadre pas avec l’artiste transcendante qu’on peut voir aujourd’hui. « Pendant au moins deux ou trois ans, j’étais agacée quand on me disait qu’on aimait mes concerts parce que je savais que ce n’était pas comme ça que je voulais jouer. »

En tant qu’artiste solo, on l’a mise dans le même sac que « toutes ces filles à guitares… », mais son album dévoile la vraie Beth. C’est un voyage excitant de l’autre côté du miroir, émaillé de paroles codées et de méandres musicaux. Beth a dit qu’elle voulait que sa musique donne l’impression qu’elle part en guerre et c’est fréquemment le cas. Telle une Boadicée, elle se rend au combat portée par les HOOVES OF DESTINY, célébrés sous forme d’un tatouage sur son poignet droit – chaque membre du groupe a ce même motif de sabots (hooves – ndt) tatoué sur sa personne. Si le son a changé depuis les débuts, sa voix incroyable reste une constante, flûtée par moments, lyrique à d’autres et totalement unique.

Les moments cruciaux de la carrière de Beth résultent de coups de chance et d’opportunités qu’elle s’est créées.

À 17 ans, alors qu’elle assistait au festival Green Man, elle a été choisie au hasard par DEVENDRA BANHART pour jouer lors de son set et s’est retrouvée sur scène où elle interpréta « Milk Bottles » devant 10 000 personnes.

Un an plus tard, Houghton a collaboré avec ADEM, qui a enregistré son premier single, « Golden/ NightSwimmer », après avoir reçu un email où elle lui demandait des conseils. Elle a offert un exemplaire de son EP à JOHN MARTYN deux semaines avant sa mort. « Je lui ai dit, écoute-le, s’il te plaît, raconte-t-elle. Il avait un regard doux… »

En 2009, le EP « Hot Toast », enregistré avec Mike Lindsay (TUNNG), a vu le jour à la suite d’une rencontre dans un bar à Londres. « Croiser la route de gens qu’on veut rencontrer n’est pas aussi difficile qu’on le pense, » dit-elle en haussant les épaules.

Pour l’enregistrement de l’album, elle s’est associée au producteur Ben Hillier, connu pour avoir travaillé avec ELBOW, BLUR et DEPECHE MODE. « Ce sont de bons disques, mais ils n’ont rien à voir avec ma musique et je suis tellement têtue que j’ai failli ne pas aller prendre un verre avec lui pour en discuter, raconte Beth. Mais il a dit qu’il voulait s’amuser, voir ce qui allait se passer, bricoler un peu et c’était mon état d’esprit. On a formé une excellente équipe. »

Le processus a été long, débutant en 2008 pour sortir en février 2012. Pour Beth, c’était un problème : « J’écris tellement de chansons, que très vite, elles ne sont plus pertinentes à mes yeux. Je m’améliore, cependant. Avant, je me lassais d’une chanson en deux semaines, maintenant, il me faut deux mois. Je ne sais pas comment font les groupes qui jouent les mêmes chansons pendant 40 ans. Si c’était moi, je dirais juste aux spectateurs qu’ils auraient dû venir me voir à l’époque. » Ceci-dit, l’un des titres de l’album, « Veins », date des 16 ans de Beth. C’est grâce au talent particulier d’Hillier – « il sait reproduire le son qu’ont mes chansons dans ma tête » – que le morceau figure sur le disque.

Beth n’est pas tant une pop star malgré elle qu’un derviche à la créativité débridée. Elle a évoqué la possibilité d’écrire un roman. Maintenant, elle parle de tourner un film. Adolescente, elle rêvait de devenir styliste, ce qui explique les tenues de scène incroyables (perruques, shorts, soutiens-gorge décorés) qu’elle arbore depuis des années. « C’est ce que je porte, reconnaît la chanteuse, vêtue aujourd’hui d’un cardigan plutôt sobre, d’un manteau de fourrure blanche et d’une énorme toque. Enfant, on se déguise et je suppose que je n’ai jamais arrêté. »

La plupart du temps, Beth rêve de voyager. Un séjour récent à Los Angeles a viré au pèlerinage. « J’ai toujours eu l’impression de fuir quelque chose, mais j’ai compris que c’était parce que je n’étais pas encore allée en Californie. Je ne connaissais personne, mais d’une certaine façon, je me suis sentie chez moi, » dit-elle. Elle s’est embarquée dans un périple comprenant une nuit à Joshua Tree Inn, dans la chambre où GRAM PARSONS était mort. « Je pensais que ce serait morbide, mais c’était très apaisant. Il y a une atmosphère dans cette chambre dès qu’on y entre. » Des images du voyage constituent la vidéo de « Dodecahedron ».

Alors que l’album n’est pas encore sorti, Beth organise son évasion vers sa terre promise. Elle n’a rien d’une pop star ordinaire – « je ne crois pas que la célébrité fait du bien aux gens » – mais elle a signé un disque brillant, qui, qu’elle le veuille ou non, va la projeter dans la lumière. « Ce n’est pas un album dingue que seulement cinq mecs en Allemagne vont écouter. C’est marrant, parce qu’en général, c’est le genre de choses que Mute recherche. »

Où qu’elle aille, nous n’aurons pas à attendre longtemps le prochain album de Beth. « Je suis terrifiée à l’idée de mourir avant d’avoir accompli tout ce que je veux, dit-elle, assez perversement compte tenu de son âge. C’est une course contre ma propre montre. »

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Posté le

9 avril 2012